Antoine au Grand Pavois

Il avait été l’invité du salon en 2001. Mais saviez-vous que c’est à La Rochelle, à l’occasion de la première édition de 1973, qu’Antoine a trouvé toutes les clés de ses aventures dans des atolls de rêve. Il revient, parrain de cette 40e édition, une invitation qui semblait une évidence, et qui l’honore.

Qu’est-ce que le Grand Pavois vous évoque ?

Antoine. Je dis toujours que les écrits sont des êtres vivants qui attendent sur une étagère. Vous passez par là, et ils vont changer votre vie. Ce fut mon cas, une nuit de 1973. Je m’arrête dans un café sur le bord d’une route qui me mène à Bordeaux. Je tombe sur un journal plié en quatre sur un coin de comptoir. Ce journal me parle du premier Grand Pavois.

Il me dit aussi que « les Damien » vont arriver à La Rochelle. Ils reviennent de leur tour du monde. J’avais lu les deux premiers tomes de leur aventure. J’avais déjà rêvé de partir en bateau, mais cet article a changé ma vie. J’ai dit à mon impresario de me laisser à la gare la plus proche pour rejoindre La Rochelle en train. J’y arrive le matin, avec ma guitare. Je la dépose à la consigne de la gare. Et je me suis rendu à pied aux Minimes qui n’étaient pas l’immense usine que c’est devenu. Ça a été totalement magique.

En quoi la magie a-t-elle opéré ?

Comme tout impétrant voyageur, on peut passer pour un doux rêveur. Et, quand on est un chanteur populaire, on est considéré comme doublement rêveur… Mais, le Grand Pavois m’a donné toutes les clés pour voyager. En quelques heures, j’ai rencontré des gens de l’industrie du nautisme, de l’édition, des voyageurs.

Par exemple, j’ai rencontré Jean-Claude Goïot, le constructeur nantais de capots étanches ; Albert Coeudevez, le constructeur de mâts en Suisse, et Jacques Arthaud, l’éditeur.

Vous évoquez « les Damien ». En quoi Gérard Janichon et Jérôme Poncet ont-ils inspiré votre propre démarche ?

J’étais un peu intimidé par leur histoire. Quand je les ai rencontrés, je leur ai dit, un peu bêtement : « Quand vous êtes partis, un crétin chantait ” Ma mère m’a dit Antoine… ” C’était moi. » Lorsqu’il a terminé le troisième manuscrit de l’histoire de « Damien », Gérard Janichon est venu chez moi, à Paris. Il était encore là quand j’ai quitté la maison où je vivais et cette vie de show-biz. Je l’ai vendue quelques mois plus tard. J’avais réalisé alors qu’ainsi j’effaçais mes dettes, je payais mes impôts en retard, et je pouvais acheter mon bateau. Et, c’est avec Jérôme Poncet que j’ai fait ma première navigation sur le bateau.

Vous avez aussi croisé la route de Bernard Moitessier, autre géant des mers. Comment le regardiez-vous ?

Avec une très grande envie. Mais je n’étais alors pas dans le monde de la navigation. D’ailleurs, jusqu’à 25 ans, je n’avais jamais songé mettre le pied sur un voilier. Pour moi, le voilier, c’était un truc pour les gens des yachts clubs, pour qu’ils pérorent au bar.

Puis, Bernard Moitessier est arrivé. Il était un vagabond des mers ; avec trois sous, il montrait dans ses livres que le monde pouvait être accueillant, aimable, aidant, et qu’à la condition de vouloir sauver son âme, tout était possible. Il partait autour du monde avec une fronde (il s’en est servi pour envoyer sur un cargo le message où il annonçait qu’il ne rentrait pas en Europe). Des milliers de voiliers sont partis comme ça, après.

Il y a eu dans ces départs des échecs, mais des réussites aussi. Je revois aujourd’hui des copains d’il y a trente-cinq ans pour lesquels le rêve n’a pas été impossible. Par la suite, j’ai eu la chance de passer des moments intenses avec Bernard Moitessier. Un ami commun me l’avait présenté.

Une fronde suffit-elle encore aujourd’hui pour partir à l’aventure ?

Une fronde, certainement pas. Mais dans les progrès actuels, il y a des graines d’utopie. Il y a des objets trop coûteux réservés à ceux qui ont beaucoup d’argent. Dans ces graines d’utopie, il y a un objet : l’iPad. Je ne l’approuve pas en toutes choses, mais il y a dessus un système de navigation qui fait que, des Galapagos au Japon, pour 65 euros, vous disposez de cartes aussi précises que tout ce que vous pouvez avoir autrement.

Le voyage n’est donc pas une question de budget ?

Il est toujours aussi peu une question de budget. Mais attention, plus qu’autrefois, il faut être décidé à ne pas se laisser rouler. La vie, aujourd’hui, est encombrée d’objets : drôle de monde où une gamine de 17 ans sort dans la rue avec un sac à main à 300 euros.

Comment finance-t-on, comme vous, trente-huit ans de découvertes ?

J’ai été gâté par la vie. Lors de mon premier voyage, l’éditeur Arthaud m’a envoyé un message. Et justement, j’avais écrit des centaines de pages pour mon usage personnel. Au fil des années, j’ai publié une vingtaine de livres. En 1989, je suis venu à la vidéo.

Avec ma femme, nous avons produit 30 films, dont 12 en haute définition. Sans faire fortune, cela m’a donné un confort. Il y a aussi un opticien qui avait 150 magasins. Ça fait douze ans que ça dure (mais nous arrivons à la fin). En douze ans, il est passé de 150 à 750 magasins.

Quelle est votre définition de l’aventure ?

Je ne suis pas un grand poète. Je suis un conteur. Mes phrases ne sont pas philosophiques comme peuvent l’être celles de Gérard Janichon. Je suis plus pragmatique. J’ai inventé le principe que toute mécanique a un état stable et normal, qui est l’état de panne. On peut, avec beaucoup d’efforts la maintenir à un état anormal, celui de marche. Pour partir ? Faire un petit pas et désirer un voyage. Mais, il ne s’agit pas d’envoyer tout valdinguer. La première fois que j’ai quitté Marseille, je suis allé au Cap-d’Agde. Le lendemain, ou deux ou trois jours après, une fois les pannes et mes frayeurs réparées, j’ai rejoint Port-la-Nouvelle, puis l’Espagne. Ma philosophie est que le voyage commence par un tout petit pas ; l’important, c’est d’être en voyage.

Vous vivez sous le soleil et les cocotiers. N’avez-vous pas envie d’un bon crachin breton ?

Pas du tout ! Vous allez sourire. J’ai fait un film sur la Bretagne et les îles de France. Là encore, j’ai eu de la chance. À part l’île de Noirmoutier que j’ai complètement ratée, de La Rochelle à Chausey, je n’ai eu que du beau temps. J’ai montré une Bretagne sous le soleil.

Antoine sera présent à cette 40e édition du Grand Pavois de La Rochelle, demain et vendredi. S

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